Attendu depuis des mois, voire des années, Prometheus est enfin sorti dans les salles obscures (le 30 mai en France notamment et seulement le 8 juin aux Etats-Unis). Et le moins qu'on puisse dire, c'est que le film a créé des clivages parmi les fans. D'aucuns y voient un véritable fiasco tandis que d'autres tentent de trouver une cohérence au film et à la mythologie dans laquelle il tente de s'inscrire. Tentons d'y voir plus clair avec tous les éléments que Ridley Scott a mis entre nos mains.
L'ingénieur, cet émissaire divin
Possédant un ADN quasi identique à celui des hommes, les ingénieurs sont le trait d'union entre Prometheus et Alien, le huitième passager. Au demeurant plus fort et plus évolué que l'objet de sa création, ce qui est somme toute logique, on le découvre au début du film se sacrifiant sur Terre. Il se désagrège et introduit son ADN dans la nature. On pense dès lors comprendre pourquoi les deux ADN, celui du Space jockey et celui de l'homme, sont analogues. Dans le film, Shaw s'en rend compte en étudiant l'ADN d'un ingénieur dont la tête a été coupée 2000 ans plus tôt.
Le space jockey serait donc le créateur de l'humanité et au final, on apprend qu'il désire la détruire. Et c'est le liquide noir découvert sur LV-223 qui est au coeur de ces deux processus. La destruction du space jockey, son sacrifice en fait, qui se traduit par un acte créateur et la destruction lorsque ce même liquide est vu comme une arme biologique de destruction massive.
La quantité de liquide noir employé semble par ailleurs essentielle dans les différents processus. Une simple coupole ingérée au début de Prometheus suffit à créer tandis que les cales sont pleines d'urnes remplies de liquide noir dans les vaisseaux. Peut-être parce qu'il y a des milliers de planètes à gérer ou peut-être parce qu'une grande quantité du liquide éradique toute forme de vie et ne peut donc se mélanger avec ce qu'il ne reste plus.
Des créateurs de l'humanité ou bien des messagers divins ?
Le rôle des ingénieurs semble essentiel et leur pouvoir substantiel. Toutefois, certains indices laissent penser qu'ils ne sont que le trait d'union entre les Dieux et les humains.
Et dans ce rôle d'émissaire des Dieux, ils ont peut-être pour rôle de créer des espèces supérieures mais aussi de faire en sorte qu'elles perdurent.
Ainsi, plutôt que de destruction massive de la race humaine, c'est peut-être une mission de sauvegarde pour laquelle le SJ était en partance. La destruction s'appuie sur les dires de David et de Shaw qui pensent que les SJ désirent retourner sur Terre afin de détruire l’humanité. Alors qu'il s'agit peut-être de la sauver d'elle-même puisqu’à ce stade de perfectionnement et d'évolution, elle s'apprêtait peut-être à s'auto-détruire. Weyland et sa compagnie ne symbolisent-ils pas une forme de toute puissance arrogante en passe de dépasser celle des Dieux et de ces émissaires, menaçant l'équilibre de l'univers, sa cohérence et l'indépendance de l'évolution des différentes formes de vie ?
On constate dans le film que lorsque le SJ entend David parler sa propre langue et comprend que c'est la personne âgée, Weyland, qui l'a crée à son image, il est pris de fureur contre ces humains et cet androïde qui ont joué au créateur. D'ailleurs, dans Alien, l'androïde Ash devient bien un danger pour l'être humain et tente de tuer Ripley.
Le liquide noir
On peut s'accorder sur le fait que son pouvoir est incommensurable. Il est à la fois destructeur mais aussi symbole d'une évolution très rapide. Il ajoute en force et en agressivité aux êtres qui l'ingèrent. Sa manipulation ne peut donc être réalisée au hasard et une forme de connaissance absolue semble obligatoire. Il symbolise donc avant tout la création qui ne peut être que l'apanage des Dieux et de leurs émissaires.
Les SJ l'entreposent et le développent sur LV-223 et non sur leur propre planète (se situe-t-elle dans le même système solaire ?). Cette Lune est ainsi dédiée au test de ce produit hautement dangereux. Ses effets sont peut-être aussi différents suivant les sujets. On partirait ici plus dans le côté biblique que dans la chimie moléculaire. Il tue Holloway mais contamine indirectement Shaw par rapport sexuel alors que celle-ci est pourtant stérile. Le foetus se développe ensuite très vite pour devenir une véritable créature tentaculaire. Elle joue alors le rôle de Facehugger géant lorsqu'elle se retourne contre le SJ et permettra de donner naissance au Diacre, le xénomorphe qui prend vie dans les entrailles du SJ (à la fin du film).
On peut dès lors de demander pourquoi, ce FH "choisit" le SJ et non Shawn : concours de circonstances dans le feu de l'action ou bien choix de cette créature mue par le désir de donner naissance à un xénomorphe.
Indices création
Les SJ voudraient détruire l'humanité après l'avoir créée. Les choses ne sont sans doute pas aussi simples. Tout d'abord, parce que si tel était le cas, le second opus de Prometheus tournerait court : Shawn arriverait sur la planète des SJ et ceux-ci la tueraient sans la moindre explication comme sur la passerelle du vaisseau où le SJ tue David, Weyland et les membres de l'équipage présent (à l'exception de Shawn).
On peut dès lors faire des conjectures et imaginer une forme de clivage parmi les SJ. Certains désireraient s'en prendre à la race humaine tandis que d'autres tenteraient de la préserver. La coéxistence de plusieurs espèces de SJ est également envisageable, ce qui expliquerait la différence de proportion entre le SJ d'Alien dont la taille est estimée à 8 mètres et celle des SJ de Prometheus qui mesurent entre 3m et 3m50.
Les références bibliques et mythologiques
C'est probablement la clef du film et de la mythologie sous-jacente. D'après le pseudo-Apollordore (auteur de la Bibliothèque qui est un abrégé de la mythologie grecque), Prométhée aurait créé les hommes à partir d'eau et de terre. Dans le film, elle est créée à partir d'eau et de liquide noir. Le rôle du SJ s’apparente alors à celui de Prométhée dans la mythologie. Et si on prolonge ce mythe, il vient peut-être non pas créer la race humaine mais corriger l'erreur d'Epiméthée, son frère. Il confère ainsi la supériorité à la race humaine sur Terre parmi toutes les espèces vivantes. Et il fait évoluer l'homme à l'image des Dieux, d'où le visage de la statue qui est similaire à celui des hommes. Mais Prométhée entre alors en conflit avec Zeus. On peut penser qu'il cherche à corriger son "erreur" en détruisant la race humaine avec le liquide noir et en repartant de zéro afin de satisfaire les Dieux.
Autre analogie, avec les récits mythiques, la tempète de silice et ses vents de 200 km/h qui sévissent sur LV-223 font furieusement penser au Déluge voulu par Zeus pour anéantir l'espèce humaine.
Le vaisseau des SJ fait aussi penser à une bague par sa forme, bague que l'on retrouve portée par Shawn. Or dans le mythe de Prométhée, celui-ci dût porter une bague de fer provenant de ses propres chaînes.
On notera aussi l'apparence de Shawn après qu'elle ait donné naissance par césarienne au xénormorphe. Ensanglantée et vêtue de bandelettes en guise de sous-vêtements, elle a souffert comme Jesus crucifié. Ce côté biblique est renforcé par la croix qu'elle porte autour du cou.
Et comment ne pas voir une référence à David, second roi d'Israël et l'un des deux fondateurs de l'Etat israélite. Enfin, la mort des ingénieurs sur LV-223 date de 2000 ans, une analogie troublante avec ce qui s'est passé sur Terre il y a près de 2000 ans également ?
Des incohérences
Les incohérences semblent nombreuses mais elles pourraient toutefois être balayées d'un revers de main à l'occasion d'un second et d'un troisième opus. Tout d'abord, écartons celui qui provient du SJ, le guetteur, tel qu'il est retrouvé mort dans Alien. Dans Prometheus, il ne meurt pas sur son siège de pilotage et d'orientation. Et pour cause, ce ne sont pas les mêmes individus puisqu'ils sont situés sur deux Lunes différentes : LV-223 dans Prometheus et LV-426 dans Alien.
Au rayon des incohérences, on notera principalement celle qui gravite autour du comportement de David. Mais en est-elle une réellement ? Il dupe Holloway en introduisant du liquide noir dans de la vodka qu'il lui offre. Ensuite, il tente de ramener sur Terre un être fécondé par Shawn en voulant la mettre de force en biostase. Et finalement, il aide Shawn à la fin du film ! Peut-être s'agit-il plus d'un stratagème que d'une incohérence.
Conclusion
Prometheus a le mérite d'intriguer et de donner envie de voir la suite à défaut de répondre à des questions. On regrettera tout de même certaines scènes du film qui font plus penser à Paul le poulpe dans le rôle du trilobite ou encore à Patrick Sébastien grimé en Weyland qu'au mythe de Prométhée.
Les réponses viendront peut-être déjà en partie dans une version longue promise pour la sortie en bluray. Et enfin, on pourra aussi s'inquiéter de savoir s'il y aura une véritable cohérence à la mythologie quand on constate que le scénariste n'est autre que Damon Lindelof, celui-là même qui a participé à l'écriture de Lost, dont l'épilogue a laissé plus d'un fan sur sa faim.
Prometheus montre du doigt l’Homme qui, dans son orgueil et sa démesure, tente de s’élever au dessus de sa création au risque de s’attirer les foudres des Dieux. L’acte d’orgueil suprème étant peut-être d’aller à la rencontre de leur propre créateur se positionnant ainsi à égalité avec les Dieux.